« Nous ne sommes pas des cimetières à échantillons »

Par Michèle Tixier-Boichard, Animatrice de l’équipe plateformes de GANI et coordinatrice de l’infrastructure RARe et du PIA CRB-Anim

CRB anim logo

Financé dès 2013 et après une phase de construction, CRB Anim est officiellement créé via son portail web depuis 2017.De quoi rappeler que le concept de CRB a plus de 20 ans puisqu’il a été proposé par l’OCDE en 2001 en vue de soutenir la recherche en biotechnologies. Si le concept même de CRB est très large au sens biologique, pour autant chaque CRB est riche de sa propre valeur ajoutée, présente Michèle Tixier-Boichard qui ne cache pas que le CRB-Anim a encore besoin d’être davantage « saisi » par les chercheurs et leurs partenaires socio-économiques.

Il permet notamment de proposer des échantillons de référence pour étudier la diversité génétique des races animales ou identifier un variant causal, mais aussi de réintroduire de la diversité dans les populations en sélection. L’amélioration des méthodes de conservation des cellules reproductives bénéficie aux partenaires de la sélection animale pour la gestion de leurs populations, de même que le développement de nouveaux modèles cellulaires pour les chercheurs.

1- Comment présenter une infrastructure de recherche en général, et en particulier la vôtre ? 

On peut dire en règle générale que c’est une organisation, des équipements, des personnes et donc des compétences – qui fournissent des services à la Recherche et à ses partenaires.

Les services sont variés : analyses, formation, développement de méthodes…

Il est cependant bon de noter que chaque CRB à sa valeur ajoutée et que nous abordons ici uniquement le domaine animal. Sachant que beaucoup d’infrastructures font des analyses et renvoient des données, notre particularité est de mettre à disposition du matériel biologique, pas seulement des données, mais de ‘vrais’ échantillons. Ce que je veux dire, c’est que dans notre infrastructure de CRB, nous conservons des échantillons et que nous les mettons à disposition avec tout un process et des règles qui encadrent. C’est toute notre originalité… Alors que trop souvent persiste l’image que conserver des ressources biologiques, c’est encore « un congélo avec des tubes dedans et qui n’est pas ouvert souvent » (rires). Je caricature pour mieux affirmer que nous ne sommes pas des cimetières à échantillons. Tel est mon credo !

2 – Et justement, vous, vous aimez « ouvrir le congélo ». Au profit de qui ?

En premier lieu, de la personne bien évidemment qui les a déposées. Point important : il n’y a nulle appropriation par le CRB de ce qui est déposé. Non seulement, il y a des règles de dépôts et d’accès précises mais le déposant initial peut lui-même préciser des règles spécifiant qu’il veut être prévenu dès lors qu’il y aurait distribution d’une partie de ce qu’il a déposé à une autre personne. Notre rôle est bien de faire la médiation entre chercheurs, voire des partenaires même si le lien est souvent fait avant qu’ils déposent ensemble.

3- Notre CRB a sans doute encore besoin d’être « saisi » par les chercheurs. Des freins persistent encore ?

Le concept de ressources biologiques n’est sans doute pas encore assez vulgarisé et/ ou reste mal compris. Persiste le réflexe chez trop de chercheurs, ne le cachons pas : « c’est mon échantillon, il est à moi et à personne d’autre ! »

Nous sommes ici en plein dans la notion de partage. Il est intéressant de noter qu’à l’heure où l’on entend beaucoup parler de partage de données, ce qui peut être une bonne chose, en ce qui nous concerne, nous partons de plus loin : il s’agit de partager des échantillons avec les données disponibles obtenues. Pour les ressources microbiennes, à titre d’exemple, c’est déjà mieux popularisé avec une infrastructure européenne amorcée il y a tout de même plus de 10 ans. C’est le temps nécessaire pour les appropriations semble-t-il…