A l’échelle mondiale, les tiques sont les ectoparasites qui ont le plus de conséquences économiques sur l’élevage. En raison de leur régime alimentaire strictement hématophage, elles ont des conséquences négatives sur la santé animale à travers la déplétion sanguine, notamment dans les zones tropicales. De plus, les tiques transmettent de nombreux pathogènes, incluant les agents étiologiques de maladies tropicales majeures pour le bétail (théilérioses et babésioses bovines, cowdriose…) qui sont largement distribuées, notamment dans les départements et régions d’outre-mer (Nouvelle Calédonie, Antilles, île de la Réunion…). En Europe, l’impact des maladies à tiques chez les bovins est plus limité mais leur importance est renforcée par leur nature zoonotique. Comme les animaux de rente sont utilisés notamment par les tiques adultes (incluant l’espèce la plus fréquente en Europe, Ixodes ricinus, qui pique aussi l’homme) pour leur repas sanguin, ils constituent donc des hôtes importants pour les maladies vectorielles humaines (notamment la maladie de Lyme, maladie vectorielle la plus fréquente dans les régions tempérées de l’hémisphère nord).
Par ailleurs, la tique vectrice de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (avec un taux de mortalité de 40% chez l’homme), Hyalomma marginatum, présente aux marges de l’Europe (Turquie, Balkans…) utilise fréquemment les bovins pour son repas de sang au stade adulte.
Jusqu’à présent, la lutte contre les tiques repose principalement sur l’utilisation d’acaricides chimiques. Malheureusement, ces molécules peuvent avoir des effets négatifs sur l’homme, les animaux de rente (toxicose, changements comportementaux) et les écosystèmes (par exemple sur des organismes non-cibles comme les insectes coprophages). De plus, des résistances aux acaricides ont d’ores et déjà été observées chez des tiques dans différentes régions du monde contre toutes les molécules utilisées à ce jour. L’émergence de résistance chez les tiques favorise l’utilisation de doses encore plus importantes d’acaricides et aggrave encore les problèmes liés aux effets non-intentionnels des acaricides. Il y a donc un besoin urgent de développer de nouveaux acaricides qui vont cibler très spécifiquement les tiques et ainsi limiter leurs effets négatifs non-intentionnels.
L’objectif du projet « Xenobio-tick » est de séquencer en profondeur le transcriptome des tiques afin d’identifier et de caractériser de nouveaux gènes de neurorécepteurs, les plus divergents possible de ceux des insectes, qui seront utilisés comme cibles spécifiques aux tiques pour le développement de nouveaux acaricides. Ces nouveaux neurorécepteurs après avoir été identifiés seront caractérisés formellement afin de montrer leur sensibilité à certaines molécules. La variabilité génétique de ces récepteurs sera décrite, permettant ainsi d’estimer la potentielle durabilité de l’acaricide qui ciblera ce récepteur. Bien que le criblage haut débit d’un grand nombre de molécules sorte de la portée de Xenobio-tick, ce projet, en rendant disponible des récepteurs neuronaux exprimables et fonctionnels en système hétérologue, constituera une avancée majeure afin de développer un criblage automatisé de molécules ciblant ces récepteurs.
Cette avancée devrait permettre le développement d’une collaboration avec des partenaires industriels pour le développement de nouveaux acaricides à forte efficacité et présentant moins d’effets non-intentionnels.